Arrivée de nulle part -L I B R E-

Bienvenue sur ces terres.
Bienvenue dans un nouveau monde.
Bienvenue chez toi.

Voici les phrases qui revenaient sans cesse dans l'esprit de Desli tandis qu'elle suivait un ruisseau. La louve noire avait découvert ce cours d'eau par hasard. Le bruit de l'eau qui file entre les rochers était parvenu jusqu'à ses oreilles noires et sa soif naissante l'avait convaincue de le rejoindre pour boire. Après quelques recherches, Desli l'aperçut, dissimulé par des roches couvertes de mousse. Elle étancha sa soif et entreprit de longer le cours d'eau. Après un regard à gauche et à droite, Desli ne put savoir précisément où se trouvait sa source. C'était comme si le ruisseau arrivait de nulle part. Un peu comme elle en fait. Elle décida de prendre à sa gauche.
La louve noire continuait sa descente lorsqu'un bruit d'eau, qui n'avait rien à voir avec l'écoulement tranquille d'un ruisseau, la fit s'arrêter.

Après m'être arrêté quelques heures aux Collines de Maldoror, je poursuis ma route en direction du Sud. Plus j'avance, plus les arbres se font nombreux. De plus en plus denses et rapprochés. Bientôt, je marche entre des herbes hautes et des arbres aux troncs épais et humides. La terre se fait de plus en plus molle et de multiples odeurs de plantes me titillent le museau. Je me fraye un chemin à travers cette forêt, sentant que des points d'eau sont proches. J'entends déjà des coassements de grenouilles et de crapauds, des gazouillis d'oiseaux et des bourdonnements d'insectes. La vie n'est pas discrète dans le coin.
Curieux, je m'enfonce encore et encore jusqu'à atteindre ce qui me paraît être un ruisseau, dont l'eau est claire et dont le fond est composé de petits galets. Je le longe avant de décider de le traverser. Je ne prends pas la peine d'être discret, n'ayant ni faim ni envie de tuer quoi que ce soit. J'envoie des éclaboussures autour de moi en avançant, ne prenant pas la peine de soulever les pattes. Je me moque bien d'être mouillé !
Arrivé à l'autre bout du ruisseau, je m'ébroue rapidement. Lorsque je regarde autour de moi, j'aperçois à ma gauche une silhouette noire comme la nuit. Je penche la tête, curieux, et remarque que c'est une louve. Elle a de beaux yeux bleus qui contrastent avec son pelage ; c'est ce qui m'interpelle en premier.
" Oh ! Une jolie demoiselle ! " je lance en souriant à la louve, la regardant de haut en bas.

Dès que la voix d'un loup brisa le silence tout relatif des marais, Desli dirigea son regard vers son origine. Ses yeux bleus scrutèrent les alentours avant de se poser sur un de ses congénères. Un grand loup à la silhouette élancée lui faisait face, les pattes dans l'eau. Sa fourrure beige et marron n'était pas un camouflage très discret pour un lieu de verdure comme les étangs mais, à côté de la noirceur de Desli, il serait presque passé inaperçu. La louve noire plongea son regard dans le sien avant de lui répondre :

«Oh ! Un beau flatteur.»

Elle ne put ensuite s'empêcher d'esquisser un sourire, pour répondre à celui lancé par son interlocuteur. Pour ce qu'elle a pu en juger, ce loup ne faisait pas dans la dentelle quand il se déplaçait et elle préféra s'éloigner un peu du ruisseau. La fourrure noire de la louve portait déjà quelques gouttelettes d'eau qui ressemblaient à des perles enfilées sur ses poils. Ce n'était pas la peine d'en rajouter. Une éclaboussure pouvait facilement partir.

" Oh ! Un beau flatteur ! " me répond-elle, plongeant son regard bleu dans le mien.
Je souris, plutôt intéressé par cette répartie peu recherchée mais révélatrice d'une certaine confiance en soi et de caractère. J'aime bien les loups comme ça. Au moins, je sais tout de suite que je n'ai pas affaire à une faible immature.
La louve noire s'écarte du ruisseau. Un rayon de soleil parcourt son pelage, faisait briller des gouttes d'eau dans sa fourrure. On dirait de jolis bijoux. Je la trouve instantanément mignonne. Je me redresse et m'approche, plein d'assurance. Arrivé à un mètre d'elle, je m'assois bien droit et l'observe après avoir jeté un coup d'oeil autour de nous.
" Dites-moi, serait-ce des étoiles qui brillent ainsi dans vos poils ? " je lui lance.
Je la regarde avec un air sympathique. Je n'ai nulle intention de paraître rentre-dedans ou quoi que ce soit. En l'occurrence, j'ai le sentiment d'observer une louve spéciale et authentique. Poète dans l'âme, je ne peux m'empêcher de le faire comprendre quand je trouve que quelque chose ou quelqu'un est beau. Le mystère que dégage cette demoiselle m'intrigue et je sens qu'elle mérite mon attention. C'est pas tous les jours que je croise quelqu'un qui en vaut la peine !

» [privé] Arrivée sur un territoire inconnu